Israël vers la pénalisation du client

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Israël vers la pénalisation du client prostitueur...

 

Le 12 février dernier, le comité interministériel israélien approuvait la proposition d'un membre de la Knesset, Mme Orit Zuaretz, d'inscrire dans la législation la criminalisation de l'achat de services sexuels.

L'amendement soumis au comité qui prévoit jusqu'à 6 mois d'emprisonnement pour quiconque poursuivrait l'achat d'un service sexuel devra maintenant passer l'étape du vote à la Knesset pour faire l'objet d'une inscription formelle dans la loi israélienne.
 

Devant le poids croissant pris par l'industrie du sexe, la progression de la prostitution des mineurs et les critiques émises par le rapport du Département d'Etat américain sur sa gestion de la traite des êtres humains, le gouvernement israélien, dos au mur, a déjà plusieurs fois réagi en accentuant délibéremment les dispositions répressives prévues par sa législation.

 

Après un durcissement sans précédents de la loi en 2006 pour lutter contre les trafiquants et l'arrivée massive de femmes des pays de la FSU (Former Soviet Union) prisonnières de l'industrie du sexe, le flux est passé en quelques années de 3 000 à 5 000 par an à 500 à 600 aujourd'hui. S'adaptant immédiatement à cette nouvelle législation, les trafiquants se sont alors mis à recruter des « locales », souvent issues de la deuxième génération de migrants, dont parfois certaines sont toujours en situation irrégulière. Parallèlement, des associations comme ELEM ont tiré la sonnette d'alarme sur la prostitution des mineurs qui est devenu un problème majeur. Cette association, qui s'occupe des « jeunes en détresse », a ainsi dénombré 621 mineurs en situation prostitutionnelle en 2011 contre 126 l'année précédente. Selon une autre association, ATZUM, sur les 15 000 personnes prostituées que compterait le pays, un tiers environ seraient des mineurs, dont certains n'ont pas 13 ans.

 

Aujourd'hui, l'industrie du sexe générerait un chiffre d'affaires d'approximativement 2,4 milliards de dollars par an. Le Ministère des affaires sociales estime quant à lui qu'au moins 90% des personnes prostituées sont contrôlées par des proxénètes. Parallèlement, une étude sur les clients de la prostitution montre qu'ils seraient au moins 10 000 hommes chaque mois à se rendre dans les quelques centaines d'appartements ou établissements de prostitution dont une large majorité se trouve à Tel-Aviv. Un tiers de ces clients proviendraient de la communauté ultra-orthodoxe, un autre tiers seraient arabes et 8 à 10 % seraient des travailleurs étrangers en mission ou expatriés.


Des évolutions législatives récentes

L'année précédente, le parlement israélien a fait passer un amendement (N°109) à la loi pénale N°5771-2011 élargissant les peines relatives à l'organisation de la prostitution. Si la prostitution en soi n'est pas une infraction, la facilitation, la sollicitation, la publicité, et l'ensemble des activités qui la permettent, la promeuvent ou l'organisent sont interdites.

Désormais, la publicité ou la fourniture d'informations en vue de relations sexuelles tarifées avec un mineur sont passibles d'un emprisonnement de cinq ans ou d'une amende pouvant aller jusqu'à 226 000 shekels (environ 45 160 euros).

 

Cette loi introduit également des sanctions pour la publicité des services de prostitution même si le fournisseur de ces services est majeur, à hauteur de trois ans d'emprisonnement ou d'une amende similaire.

Sur son site internet, le parlement israélien rappelle que les changements introduits par cet amendement reflètent son appréciation actuelle de la prostitution : « la prostitution est en soi un phénomène négatif et grave, entraînant des lésions graves à ceux qui s'y engagent et à la société dans son ensemble, et il y a une reconnaissance [dans la] législation du devoir de la société pour lutter contre la prostitution, d'agir pour la minimiser, et d'aider à la réhabilitation des personnes lésées par elle. »

 

Sur le terrain, l'application de cette nouvelle législation a rencontré quelques difficultés. Filtrer les annonces est devenu plus difficile car les contrevenants modifient régulièrement les numéros de téléphone et le texte de l'annonce. Dans le même temps, les journaux et sites ont connu une forte augmentation d'annonces de salons de massage. Le parquet a traité, en 2011, 11 affaires liées à des cas de promotion ou de publicité d'activités prostitutionnelles.


Le projet « Until 119 »

Le projet de pénalisation des clients de la prostitution initié par Orit Zuaretz est soutenu par un fort lobbying associatif mené par la Task Force for Human Trafficking qui réunit l'ONG Atzum et le cabinet juridique Kabiri-Nevo-Keidar. Ce lobbying a pris corps sous la forme d'un vaste projet intitulé « Until 119 » qui prévoit le recrutement de 119 volontaires, experts sur les différentes thématiques prostitutionnelles, chargés de sensibiliser et convaincre chacun des 119 membres de la Knesset de voter en faveur du projet de loi.

 

Déjà à l'origine du durcissement de la loi contre les trafiquants, le responsable d'ATZUM estime qu'une telle réforme, même amoindrie des éléments les plus répressifs, pourra dans un premier temps éveiller les consciences de ceux qui profitent du système prostitutionnel « en violant impunément ces esclaves sexuels sans crainte des conséquences ». Dans sa lettre envoyée aux 119 membres de la Knesset, il rappelle qu'en Suède, 10 ans après la loi qui pénalise les clients de la prostitution, l'offre et la demande ont sensiblement diminué.


Accords et désaccords...

Toutes les voix ne s'accordent pas sur cette pénalisation. Ainsi, la coordinatrice nationale pour la traite des êtres humains, Rachel Gershuni, estime que même si la prostitution doit être reconnue comme une violence à part entière, les moyens mis en œuvre pour la réhabilitation et la réinsertion des victimes ne sont pas aujourd'hui suffisants pour répondre à cette évolution législative majeure. Elle préconise dans un premier temps une sensibilisation du public sur les réalités de l'industrie du sexe avant toute réforme qui rendrait les personnes prostituées encore plus vulnérables.

Plus récemment, un sondage effectué sur la perception de l'efficacité d'une loi qui pénaliserait les clients de la prostitution montrait un certain scepticisme dans l'opinion public. Pour la moitié des personnes interrogées, la loi n'empêchera pas les clients d'aller voir des personnes prostituées. Toutefois, 42% estimaient que cette loi entraînerait une diminution du nombre de leurs visites.

 

Pour le responsable d'ATZUM, les études les plus récentes sont pourtant formelles : 82% des personnes prostituées subissent ou ont subi des violences physiques et plus de la moitié de ces violences ont été provoquées par des clients. Des arguments qui selon lui ne peuvent que faire pencher la balance du côté de la pénalisation.

 

FB

 

Extraits de lettre envoyée aux membres de la Knesset

Je m'adresse à vous parce que vous avez profondément le souci d'Israël, de son rôle de gardien de l'avenir juif, de sa réputation dans la communauté internationale. J'ai été consterné d'apprendre, par les rapports de quelques-uns des plus proches amis et soutiens d'Israël, l'ampleur de la traite des êtres humains dans ce pays et, plus particulièrement, l'ampleur de la traite des femmes, esclaves sexuelles et prostituées. Mes recherches et mes conversations avec des Israéliens indiquent que l'industrie du sexe en Israël est alimentée par des milliers de victimes, dont un nombre croissant de mineurs, certains étant citoyens israéliens, qui sont exploités brutalement dès 12 ou 13 ans. A l'âge de devenir bnei-mitzva, ces enfants sont les victimes du monde cruel et sordide des proxénètes et des trafiquants, sous les yeux de la police israélienne.

Mais aujourd'hui, Israël a la possibilité de rejoindre les rangs des pays les plus avancés en adoptant une loi qui portera un coup sévère à la prostitution et au trafic qu'elle engendre. Un nombre croissant de gouvernements dans le monde se tourne vers des lois qui visent le client du sexe tarifé. Ces pays considèrent la traite des êtres humains à des fins de prostitution comme une violation des droits de l'homme. Le message qu'ils envoient, c'est que le corps des femmes, le corps des enfants, filles et garçons, ne sont pas à vendre.

Israël, qui a été fondé sur la tradition qui dit que chaque être humain a été créé B'Tzelem Elohim (à l'image de Dieu), ne va-t-il pas à son tour proclamer que personne ne doit être en mesure d'acheter «légalement» le corps de cet être humain pour satisfaire ses besoins pervers? Israël va-t-il maintenant envoyer un message à ses citoyens et au monde entier en adoptant une loi qui criminalise l'achat du corps de l'autre pour le sexe? La Suède, parmi d'autres, démontre depuis dix ans l'efficacité d'une telle loi. En clair, criminaliser la demande fera diminuer l'offre.

Les femmes et les enfants soumis à l'esclavage sexuel, qu'ils soient étrangers ou israéliens, sont parmi les populations les plus vulnérables de la société. Nous appelons à les protéger en mettant un terme à la prostitution et à la traite des êtres humains, et à défendre les droits de l'homme et l'image divine de chaque femme et enfant de notre pays.

Les yeux du monde sont toujours tournés vers Israël, parfois injustement et de manière disproportionnée. Cette fois, nous allons exploiter cette réalité et faire d'Israël un phare de liberté en mettant un terme à la traite des êtres humains à des fins de prostitution. Le 12 Février, lors de la réunion du Comité ministériel, soutenez le projet de loi de MK Orit Zuaretz et ajoutez votre voix à ceux qui oeuvrent à la construction d'un Etat d'Israël et d'un monde débarrassés de l'esclavage, de la négation de l'être humain et de son exploitation (...).

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