Prostitution étudiante, quelles réalités ?

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Prostitution étudiante, quelles réalités ?

 

Prostitution étudiante, quelles réalités ?

Une mise au point sur la prostitution étudiante, au moment où la sortie du film « Elles », de Malgoska Szumowska, relance le débat.
 

Au printemps 2011, la Mission parlementaire sur la prostitution, présidée par la députée Danielle Bousquet, écrivait : « La prostitution étudiante existe bel et bien. Il est en outre possible que ce soit dans des proportions non négligeables en valeur absolue. Reste à en mesurer l'importance ».

De fait, le phénomène, même s'il est très médiatique, demeure caché et difficile à déceler pour les travailleurs sociaux et les personnels de santé universitaires : « Il y a bien des doutes parfois, quand on sait bien que l'étudiant n'a pas de bourse, pas de soutien financier familial, qu'on voit qu'il est vraiment très bien habillé, mais ce n'est jamais dit clairement », explique Anne-Marie Coupé, du CROUS de Rennes. Des doutes, des soupçons, mais aucune certitude.

Les syndicats étudiants sont eux-mêmes assez partagés sur le sujet : si certains ont reçu des témoignages directs, d'autres jugent le phénomène marginal. Les CROUS et les services de médecine universitaire ont pu recenser quelques cas avérés mais leur nombre reste limité : une dizaine de cas par an à Lyon, deux cas à l'université Paris V - Descartes...

Pour autant, les quelques enquêtes menées directement auprès des étudiants (sous forme de questionnaire anonyme) apportent des données plus précises : à Bordeaux III et à Poitiers, entre 2 et 3% des étudiants interrogés ont dit avoir été « confrontés à une situation de prostitution étudiante » ; et à Montpellier, ils sont 2% à avoir eu recours à la prostitution. Des chiffres qui ont de quoi inquiéter si on les ramène à la population étudiante totale en France, près de 2,3 millions.


Entre précarité et libertinage : profils de la prostitution étudiante

Les médias aiment nous donner à voir des étudiant(e)s qui se prostituent « pour le plaisir » : plaisir de l'argent (« pour vivre plaisamment », comme l'écrivait une étudiante sur son blog), plaisir du libertinage, plaisir de la transgression, plaisir de la domination des hommes... Elles ont choisi (ou du moins elles le prétendent). C'est d'ailleurs le point de vue présenté par le film « Elles ».

Mais, pour les étudiants interrogés à Montpellier, l'entrée dans la prostitution est rarement motivée par le « plaisir » : 96 % d'entre eux pensent que le premier facteur d'entrée dans la prostitution est la précarité, 4% le plaisir.

« Ça commence par un, puis deux impayés de loyer, on a peur de se retrouver sans toit en plein hiver, raconte Marie, alors on va sur internet chercher des petits boulots, on essaye des boulots de nuit de serveuse. Et puis un jour, il y a un mec qui passe ou une ancienne serveuse qui vous explique l'escorting... »

Le phénomène touche avant tout des étudiant(e)s dans la précarité. En 2000, sur les 2,2 millions d'étudiants que comptait la France, 100 000 vivaient en dessous du seuil de pauvreté (Rapport Dauriac pour le Ministère de l'Education nationale). Douze ans plus tard, la crise aidant, la précarité de la population étudiante s'est accrue : selon deux enquêtes menées en 2011, 26% des étudiants interrogés disent être « en difficulté lorsqu'il s'agit de faire face aux dépenses courantes » et un quart déclare vivre avec moins de 400 euros par mois (enquêtes LMDE / IFOP et USEM / CSA).

C'est toujours occasionnel, provisoire. « Elles se disent : je vais faire cela pendant quinze jours / un mois, juste pour passer un moment difficile, explique Hélène de Rugy, déléguée générale de l'Amicale du Nid. Mais c'est un engrenage ». Une mauvaise rencontre, l'accoutumance à l'argent rapide peuvent les entraîner toujours plus loin. C'est ce qu'expliquait Laura D. au moment de la sortie de son livre-témoignage (Mes chères études. Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée, 2008) : « Quand on se prostitue une fois, on souffle financièrement. Mais ça crée une addiction à l'argent. Donc quand le porte-monnaie est vide, on repense à cette solution. Y penser, c'est déjà être dans l'engrenage ». Et l'engrenage, c'est une difficulté croissante à poursuivre des études et même à mener une vie normale, « parce que la prostitution, c'est un temps à vivre très éprouvant », dit encore Hélène de Rugy.


Le corps banalisé

La précarité suffit-elle à expliquer la plongée dans la prostitution ? La plus grande partie des étudiant(e)s en précarité choisissent de faire des petits boulots plutôt que de se prostituer.

On ne se prostitue pas par hasard. « Si les étudiants basculent, ce n'est jamais seulement un problème d'argent, mais une vulnérabilité », dit Bernard Lemettre du Mouvement du Nid. Et la plongée dans la prostitution vient souvent en réponse à un « parcours jalonné d'accidents biographiques destructeurs » : maltraitances physiques, violences morales ou verbales, abus sexuels, ruptures familiales, carences affectives...

 

Mais ce n'est pas la seule raison. 15% des étudiants de l'université de Montpellier III, interrogés par l'Amicale du Nid, ont dit qu'ils seraient prêts à accepter un acte sexuel en échange de cadeau ou d'argent, s'ils se trouvaient dans une situation précaire. Pour ces jeunes, le corps est devenu un service ou un instrument qui peut aider à survivre ou à se procurer des biens matériels.

 

Cette évolution s'inscrit dans un courant plus global de banalisation de la prostitution. La fascination pour l'idéologie consumériste, tout comme l'image glamour que les médias peuvent donner de la prostitution, incitent un nombre croissant de garçons et de filles, toujours plus jeunes, à entrer dans la prostitution.

 

D'ailleurs, il n'est pas question de prostitution, le mot n'est jamais prononcé. Pour ces jeunes filles, mettre son profil sur internet n'a rien à voir avec la prostitution, c'est de l'escorting ! Et les annonces repérées sur internet ou dans la presse gratuite évoquent des échanges de services coquins, pas de la prostitution : « Ch. JF pour faire le ménage en tenue sexy une ou deux fois par semaine » / « Jeune étudiante de 18 ans en première année de psycho, je cède des clichés de ma vie intime et sexuelle afin de pouvoir financer mes études... ». On repère également un nombre croissant d'échanges qui ne sont pas forcément monétaires. Ainsi, les annonces proposant des services sexuels contre un logement gratuit sont devenues courantes : « Cherche une étudiante ou stagiaire pour partager mon studio contre services. J'attends vos propositions » / « Propose une colocation avec étudiante dans un studio de 20m² : jeune homme charmant ».

 

Troc, escorting, échange de services.... Où est la prostitution ? « Je ne suis pas une prostituée, précise une jeune étudiante. Une prostituée, c'est une fille sur un trottoir en mini-jupe et qui part avec le premier venu. Moi je choisis ».

CG

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