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La prostitution, une violence à combattre

 

En 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes était grande cause nationale. La prostitution était inscrite parmi les violences à combattre. Quel bilan pouvons-nous tirer de l'année écoulée ? 

Deux hommes conversent pendant leur jogging dans une forêt. Subitement, l'un d'eux s'arrête. Au même instant, on entend derrière un échange verbal entre un client agressif et une personne prostituée. Le jogger interroge : « Qu'est-ce qui se passe ? ». L'autre lui répond : « Rien. J'avais un caillou dans ma chaussure... ». Une voix conclut : « En France, chaque jour, des milliers de femmes sont victimes de prostitution ». 

Ce spot radiophonique, largement diffusé sur les ondes publiques et privées à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, est un des messages de sensibilisation, produits dans le cadre de la Grande Cause nationale 2010

En effet, depuis plusieurs mois, un collectif de vingt-cinq associations (dont la Fondation Scelles) s'est engagé sous ce label pour alerter l'opinion publique sur la violence physique, sexuelle et psychologique dont sont victimes les femmes et appeler au renforcement de la politique globale de lutte contre ces violences...

Dans ce cadre, pour la première fois en France, la « prostitution et la traite qui en découle » ont été solennellement dénoncées comme une violence, au même titre que le viol, les mutilations sexuelles féminines, les violences conjugales, le harcèlement sexuel, le mariage forcé. C'est une reconnaissance officielle que nous attendions. 


« Des niveaux terrifiants de violence... »

Depuis plusieurs années, des enquêtes internationales ont mis en lumière toute la violence liée à la prostitution : dans une étude australienne (pays où la prostitution est légalisée), 81% des personnes interrogées ont déclaré avoir subi des sévices sexuels pendant l'exercice de leur activité ; à Glasgow, 94% des personnes prostituées de rue interrogées ont subi une agression sexuelle, 75% ont été violées par un client. Selon une autre étude, menée sur 9 pays (Allemagne, Colombie, Turquie...), 71% des personnes prostituées interrogées disaient avoir subi une agression physique, 64% avoir été menacées d'une arme, 57% avoir subi une agression sexuelle. 

En 2008, c'est le Parlement européen qui dressait le constat global de la violence de la prostitution : les personnes prostituées sont « beaucoup plus exposées à la violence que les autres femmes », elles «courent un risque beaucoup plus grand de souffrir de blessures physiques et psychologiques liées non pas à une violence extraordinaire mais à la violence journalière de la prostitution ».

Dans le contexte de crise économique de ces derniers mois, cet état des lieux ne cesse de s'aggraver. Les rapports les plus récents des associations opérant sur le terrain font le constat d'une augmentation de la violence vécue par les personnes prostituées, de la part des proxénètes et, plus encore, de la part des clients. 

On parle de pressions psychologiques : « les clients veulent toujours plus et toujours moins chers. Ils se permettent des demandes scandaleuses, conscients que nous gagnons plus difficilement notre vie » (Le Progrès de Lyon, 5 avril 2009). On parle de « clients qui changent d'humeur en une fraction de seconde, deviennent plus agressifs... » (Tribune de Genève, du 27 février 2009). 

On parle d'agressions physiques : « les prostituées sont de plus en plus victimes d'agressions et de braquages ». Selon Sarah Benson, directrice de l'ONG irlandaise Ruhama, les femmes, au cours de l'année 2009, « ont été confrontées à des niveaux terrifiants de violence physique, émotionnelle et psychologique » : insultes (« les agressions verbales sont la norme », précise Madame Benson), coups de pied, coups de poing au visage, morsures, séquestration.... « Les clients ne se préoccupent pas de blesser les femmes. Ils sont juste à la recherche de leur plaisir ». 


Le message de la grande cause nationale 2010

Alors que les médias répondent à ce constat alarmant en vantant le bien-être des maisons closes, la grande cause et le collectif d'associations qui l'ont portée ont essayé de faire entendre une autre voix. 

Trois messages clairs relatifs à notre cause ont été délivrés : 

La violence de la prostitution n'est pas liée à des lieux ou à des conditions d'exercice, comme on veut souvent nous le faire croire ; la prostitution est une violence en soi parce qu'elle s'inscrit dans un rapport de domination ; comme les autres formes de violences dénoncées en 2010, elle est « le produit d'un système patriarcal et historique instituant la domination des femmes par les hommes et des rapports sociaux de sexe inégalitaires » (cf. la charte du collectif de la grande cause 2010) ;

Le client est le premier responsable de cette violence à double titre : c'est la demande des hommes qui crée la prostitution / et l'acte d'achat du corps de l'autre génère une violence potentielle de tous les instants ;

Face à ce problème, la société reste dans une indifférence scandaleuse ; l'opinion publique doit prendre conscience de la réalité prostitutionnelle.

On nous rétorquera que ce message n'a pas été relayé par les médias et a rencontré peu d'écho.... Peut-être. La grande cause n'en constitue pas moins une étape décisive dans notre combat. Sous le patronage du gouvernement, sur les ondes nationales à des heures de grande écoute, il a été dit que « en France, chaque jour, des milliers de femmes sont victimes de prostitution ». C'est un symbole fort.

CG

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