20 ans d'engagement : bilan et perspectives

La Fondation Scelles est née en 1994, au lendemain de l'effondrement du bloc des pays de l'Est, au moment où explosaient les réseaux de traite des êtres humains. Et, pendant vingt ans, l'effort de la Fondation Scelles a été faire "connaître, comprendre et combattre" les développements d'un phénomène qui n'a cessé de s'aggraver, soutenu par la mondialisation et le développement des outils numériques.

Aujourd'hui, la société a pris conscience de la gravité du phénomène et de l'urgence d'une action de lutte. Partout, le débat est ouvert. En Irlande, au Canada qui viennent d'adopter des lois pénalisant l'achat de services sexuels, mais aussi dans des pays réglementaristes comme les Pays-Bas et l'Allemagne qui, face au constat d'une criminalité galopante, envisagent de faire évoluer leur législation.

En France aussi, les choses bougent. En quelques années, plusieurs rapports parlementaires sur la prostitution se sont succédé. En 2010, année grande cause nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, on a évoqué, pour la première fois, la prostitution comme une violence. Quatre ans plus tard, la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a inscrit la lutte contre le système prostitutionnel dans les actions visant la promotion de l'égalité et une proposition de loi prévoyant, entre autres mesures, la pénalisation du client, déjà adoptée par l'Assemblée nationale, attend son débat au Sénat. C'est une véritable avancée. Qui aurait dit voici vingt ans que la France envisagerait un jour de pénaliser le client de la prostitution ?

C'est le résultat d'un changement progressif des mentalités. La pensée abolitionniste gagne du terrain. Les traditionnelles associations militantes ont été rejointes dans leur combat par une nouvelle génération de jeunes féministes qui portent la parole abolitionniste. Même l'opinion publique, si attachée aux vieux clichés, commence à lentement évoluer. Deux sondages en témoignent : juin 2012, 59% des femmes se prononcent pour la pénalisation du client (sondage Harris pour Grazia) / octobre 2013, 73 % des personnes interrogées se disent tout à fait d'accord ou plutôt d'accord avec l'idée que la lutte contre la prostitution passe par la responsabilisation du client (sondage TNS Sofres pour le Ministère des Droits des femmes).

La Fondation Scelles, catalyseur d'énergies
Des progrès immenses ont été accomplis. Et, pendant 20 ans, la Fondation Scelles a accompagné et, peut-être même anticipé ce mouvement, comme le montre une rétrospective des actions menées depuis 1994, en ligne sur notre site. Qu’en sera-t-il des vingt ans à venir ?

La Fondation Scelles a toujours voulu s’inscrire dans des actions et des partenariats ancrés dans la tradition humaniste que ses fondateurs avaient illustrée. Au moment où notre combat semble peut-être aboutir, nous entendons continuer et amplifier notre action de rassembleur.
- Rassembler dans la "maison Mondétour"- Au fil des années, un pôle d’ONG s’est constitué dans l’immeuble Mondétour autour de la Fondation Scelles : Equipes d'Action contre le proxénétisme, ACPE, Cofrade, Espper, CAP International, Liberanos
- Rassembler au niveau français : à travers le collectif Abolition 2012 qui, depuis 2011, milite pour l’adoption d’une loi globale d’abolition de la prostitution ; plus d’une soixantaine d’associations ont aujourd’hui rejoint le collectif.
- Rassembler au niveau international : CAP International qui regroupe des ONG internationales pour l’Abolition de la prostitution. Le 12 novembre dernier, des associations du monde entier se sont retrouvées à l’Assemblée national pour le premier Congrès international abolitionniste : « Prostitution et traite des êtres humains dans le monde : une exploitation des plus vulnérables ». A cette occasion, des parlementaires de plusieurs pays ont lancé un Appel visant à la création d’un mouvement international de législateur-e-s, actrices et acteurs au contact de la société civile, afin de sensibiliser les pouvoirs publics à l’importance de l’abolition du système prostitutionnel.

Une vision mondialisée
Plus que jamais, c’est par une vision mondialisée du phénomène que nous pourrons apporter des réponses adaptées.

Les trois rapports que nous avons publiés sur l’exploitation sexuelle dans le monde s’inscrivent pleinement dans cette vision. Le quatrième opus est déjà en chantier et devrait voir le jour fin 2015. Comme les précédents, il aura pour objectif de mettre en lumière les réalités de l'exploitation sexuelle dans toutes ses dimensions, mais également d’éclairer sur les moyens de lutte mis en œuvre dans toutes les parties du monde.


Nous poursuivons donc notre route. Et l'heure n'est plus à la célébration. La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale voici un an est en suspens. Le Sénat semble hésiter sur les suites à lui donner : une commission spéciale s'est prononcée contre toute mesure à l'encontre du client et le débat n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. Le risque de voir ce texte enlisé et oublié existe. C'est à nous de le porter jusqu'au bout du processus législatif et de faire pression sur nos politiques. Nous le ferons, comme nous l'avons toujours fait : en fédérant les énergies, en continuant à nous indigner, en dénonçant, sans relâche, les crimes de l'exploitation sexuelle.