Danielle Bousquet : « Je crois au rôle de l’éducation »

Danielle Bousquet, ancienne députée et présidente de la commission parlementaire sur la prostitution, actuellement présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, est une figure majeure du combat abolitionniste. Elle a accepté de nous livrer ses impressions sur les premiers Prix Fondation Scelles et leur action de sensibilisation.

 

Pour quelles raisons avez-vous accepté de siéger dans le jury des Prix Fondation Scelles ? 
Cette idée de vouloir impliquer des jeunes dans la lutte contre la traite des êtres humains, l’exploitation sexuelle et la prostitution m'a semblé excellente. La nature même du concours était elle-même bien conçue, associant de jeunes avocats en cours de formation, de futurs jeunes journalistes, etc.

 

Qu’avez-vous pensé des travaux des candidats ?
Les plaidoiries des jeunes avocats étaient toutes, à des degrés divers, remarquables. Les articles de presse comme les slams des jeunes collégiens étaient également d'excellente qualité. Tous ont bien compris l'exploitation du système prostitutionnel et le rôle des clients prostitueurs, ainsi que le statut de victime des victimes.

 

Pensez-vous que ce type d’initiatives peut aider à la sensibilisation du public, et plus particulièrement des jeunes ?
Je crois très important de sensibiliser les jeunes, garçons et filles, à la question de l'exploitation sexuelle. En effet, face aux médias très complaisants vis-à-vis de la prostitution, qu'ils présentent volontiers comme une forme de libertinage, il faut montrer la réalité de la prostitution et le rôle joué par le client, qui est, avec les proxénètes, à la source de l'exploitation sexuelle. Donc que les pairs parlent aux jeunes, peu informés et très perméables au discours des médias, me semble la meilleure manière de les sensibiliser.

 

A quelles autres formes d’action pourrait-on avoir recours pour sensibiliser le public ?
Sans doute de grandes campagnes d'information, par médias interposés, ainsi que des séances d'information au cours de la scolarité permettraient-elles d'éduquer le public au fait que la règle de notre société veut "qu'on n'achète pas le corps d'une autre personne". Je crois au rôle de l'éducation, dès le plus jeune âge, pour que le respect de l'autre et l'exigence d'égalité soient partie intégrante de la formation des jeunes.
 
A quels obstacles ou difficultés se heurte-t-on quand on cherche à sensibiliser le public et, plus particulièrement, les jeunes ?
On se heurte aux idées reçues et aux stéréotypes, qui conduisent à ne plus s'interroger  : les "besoins sexuels irrépressibles" des hommes, "il y a des femmes qui sont là pour ça", "elles aiment ça", la prostitution "ça a toujours existé", "de toutes façons, on ne peut pas l'empêcher" etc... D'où l'importance de la formation de tous les intervenants auprès des jeunes et des enfants à cette question  de l'égalité. C'est une affaire de politique publique en matière d'éducation, qui vaut pour la prostitution, mais aussi pour toutes les questions d'inégalités (donc de violences, sous toutes leurs formes).