Encore un effort - l'édito d'Yves Charpenel

Ces dernières semaines, la lutte contre l'exploitation sexuelle s'est intensifiée avec, comme première évidence,  la démonstration de l'ampleur du chemin à parcourir pour espérer libérer nos sociétés d'un fléau dont le dernier rapport EUROSTAT montre qu'il a augmenté de 18% entre 2008 et 2010.

Nous avons pourtant des raisons d'espérer et l'annonce de l'adoption d'un plan national contre la traite des êtres humains par la France va dans le sens d'une meilleure prise en compte de la situation des victimes et esquisse l'indispensable effort de sensibilisation de l'opinion publique aux réalités sans fard du marché souvent criminel de la prostitution.

Vous découvrirez d’ailleurs dans ce 29e numéro,  la lumière cruelle portée sur le système du marché du sexe légalisé en Allemagne par une évaluation et une prise de conscience issues de la société allemande elle-même, ainsi qu'un constat inquiétant sur la situation des mineurs victimes de la traite en Europe centrale, à deux heures d'avion de notre pays .

Autre raison d’espérer, les résultats de la deuxième édition des Prix Fondation Scelles, en direction des jeunes, sont de nature à réconforter celles et ceux qui luttent, souvent depuis longtemps, contre un fléau si divers.

Mais la bonne nouvelle de l'avènement du plan national doit être tempérée par le constat de ses limites actuelles : l'absence de moyens nouveaux adaptés à l'importance du défi proposé ; l'attente de la nomination d'un (ou d'une) rapporteur(e) national(e) qui nous rapprocherait enfin des standards européens en la matière ; et surtout l'incertitude de l'ouverture du débat au Sénat sur la proposition de loi Olivier, dont l'adoption permettrait seule d'envisager une action cohérente et efficace qui réunirait la protection effective des victimes, la poursuite renforcée, notamment, par la prise en compte législative des armes contre la "cyberprostitution" et le signal fort envoyé aux clients clairement responsabilisés et pénalisés.

Dans ces différents domaines, notre pays a de sérieux efforts à accomplir. Le rapport EUROSTAT, toujours lui, montre qu'en 2010 aucune victime de la TEH n'avait bénéficié en France des dispositions d'aide en vigueur , et qu'un seul trafiquant avait été condamné du chef de traite des êtres humains, pour ne rien  dire de la  non-application de fait des dispositions de la loi sur la sécurité intérieure, qui permettent pourtant de pénaliser le client de mineurs ou de prostituées "vulnérables".

C'est dire que la mobilisation de toutes celles et de tous ceux qui refusent de se résigner à la banalisation du marché du sexe ne doit surtout pas faiblir.

 

Bonne lecture !

Yves Charpenel
1er Avocat général à la Cour de Cassation
Président de la Fondation Scelles