Le 4 décembre dernier, 200 ONG se sont rassemblées au Parlement européen pour lancer l'Appel de Bruxelles, un appel pour une Europe abolitionniste.
En novembre 2011, dans le cadre du collectif « Abolition 2012 », une quarantaine d'associations réunies à l'Assemblée nationale, avaient appelé les parlementaires français à se mobiliser pour l'abolition de la prostitution. Un an plus tard, c'est au niveau européen qu'une opération similaire est lancée à l'initiative du Lobby européen des Femmes, avec le soutien du Mouvement du Nid et de la Fondation Scelles.
L'Appel de Bruxelles
Après 22 ans de prostitution, « je suis une survivante aujourd'hui », a témoigné Rosen Hicher, militante pour l'abolition de la prostitution. Elle a ensuite exhorté les parlementaires présents à prendre toutes les mesures pour « condamner le client de la prostitution, et non la personne prostituée qui est victime d'elle-même, d'un milieu de violence, d'un réseau... ».
Son message servait de préambule au lancement officiel de l'Appel de Bruxelles - ‘Ensemble pour une Europe libérée de la prostitution'. Deux cents ONG, déjà signataires (dont 32 associations françaises, elles-mêmes porteuses de l'appel « Abolition 2012 »), étaient venues de tous les pays d'Europe pour affirmer solennellement que la prostitution est une violence, une exploitation des inégalités et une atteinte à la dignité de la personne.
Au-delà de ces principes, l'Appel de Bruxelles défend plusieurs revendications : la suppression de toutes les mesures répressives à l'encontre des personnes prostituées et le développement d'alternatives à la prostitution, la condamnation de toutes les formes de proxénétisme, la mise en place de politiques d'éducation pour promouvoir l'égalité entre les sexes, et, surtout, la criminalisation de tout achat d'un acte sexuel sur le modèle suédois.
Plus tôt dans la journée, des experts et des représentants d'ONG venus de Suède et des Pays-Bas avaient d'ailleurs comparé les résultats des politiques menées dans ces pays depuis 2000. Il ressort clairement de ces riches échanges que seule la pénalisation du client mise en place par la Suède a eu des résultats visibles sur le développement de la prostitution : diminution marquée de la prostitution de rue, repli des réseaux criminels dans les pays voisins.
Le premier débat européen....
Des eurodéputé(e)s de différentes tendances et des personnalités politiques de premier plan, comme Joëlle Milquet, Vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Egalité des chances de la Belgique, et Caroline de Haas, Conseillère chargée des politiques féministes auprès de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, ont ensuite exprimé leur soutien à l'Appel de Bruxelles.
En ce sens, la journée du 4 décembre est porteuse d'espoirs. Mikael Gustafsson, président de la Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (Commission FEMM) du Parlement européen a rappelé que la Communauté européenne, si elle a mis en place une politique commune de lutte contre la traite des êtres humains, a toujours refusé de s'attaquer à ses causes : la prostitution et préfère s'en remettre à la compétence des Etats. C'est la raison pour laquelle des régimes aussi contraires que l'abolitionnisme suédois et le réglementarisme néerlandais peuvent se côtoyer au sein d'un même espace politique.
Or, aujourd'hui, un changement significatif semble s'amorcer dans la démarche européenne. La Commission FEMM prépare actuellement un rapport global d'évaluation des politiques européennes sur la prostitution dont on attend beaucoup. Et l'Appel de Bruxelles, initiateur du premier débat sur la prostitution dans l'enceinte du Parlement européen, a fait pleinement entendre la voix abolitionniste.
« Il ne faut pas avoir peur de mettre des mots sur les faits », avait déclaré l'eurodéputée Mariya Gabriel pour ouvrir la journée. Le 4 décembre 2012, l'Europe n'a pas eu peur....