Jeunes avocats, futurs journalistes ou graphistes…, ils ont une vingtaine d’années et leurs parcours sont divers. Tous ont pourtant participé aux premiers prix Fondation Scelles. Cette expérience a déclenché en eux un véritable engagement dans la lutte contre l’exploitation sexuelle. Les lauréats racontent.
Le 4 mars dernier, dans le cadre de la bibliothèque du Barreau de Paris, avait lieu la remise des premiers Prix Fondation Scelles. L’opération s’adressait aux jeunes adultes et à ceux qui, demain, façonneront l'opinion et l'imaginaire du grand public (artistes, journalistes, avocats). L’objectif était de les confronter aux réalités de l’exploitation sexuelle et de les inciter à exprimer les facettes de ces réalités à travers leurs mots, leurs images, leur univers.
Quelques-uns des lauréats, Zoë Royaux (prix plaidoirie), Romain Fonsegrives (prix article), et l’équipe des prix vidéo et visuel, Clément Bachelard, Quentin Clément, Tony Gimazane et Victor Miellin, ont bien voulu nous confier leurs impressions : comment ont-ils vécu cette expérience ? Qu’en ont-ils retenus ? Quelles suites envisagent-ils ?
La découverte d’une réalité sans limites
« La prostitution était un sujet qui nous était totalement inconnu », ont reconnu les quatre lauréats du prix vidéo. Pour eux, la « découverte » du sujet a souvent eu lieu à l’occasion de l’opération des Prix. « Lorsque la Fondation Scelles est intervenue au sein de notre école, raconte Clément Bachelard, j’ai d’abord été stupéfait de découvrir le problème de la prostitution, duquel je me sentais très éloigné.».
Seule Zoë Royaux, sans avoir une connaissance approfondie, dit avoir « été sensibilisée très jeune sur ces sujets » : « Au-delà de mon métier, je viens d'une famille de féministes militantes au sein de laquelle l'exploitation de la femme, au sens le plus large possible, est évidemment un sujet très central. L'exploitation de la femme est pour moi insupportable. Toutes formes de machisme, même sans infraction pénale, doivent être combattues... a fortiori, bien sûr, le proxénétisme. Faire de l'autre un objet sexuel est ignoble ! Je parle des femmes, mais elles ne sont pas seules à être exploitées sexuellement, les hommes le sont également et aussi les enfants... »
Pour tous, les prix ont été l’occasion d’une véritable prise de conscience. « Nos recherches nous ont amené à constater la gravité de la situation et à découvrir des choses que nous n’imaginions pas », disent les lauréats de la meilleure vidéo. De même pour Zoë Royaux, lauréate du prix plaidoirie : « Parce que je suis avocate et que je fais presque exclusivement du pénal, je connais la réalité des réseaux et de leurs victimes. Mais je n’avais pas conscience des chiffres, du nombre de victimes « projetées » sur les trottoirs…, ni des profils des victimes qui sont assez similaires. Une vision d’ensemble de ce fléau est très terrifiante ».
« Stupéfaction », « colère », « révolte », « écœurement »…
Et la découverte de ces réalités a suscité en eux une émotion violente, de l’effroi à la colère, portée par des mots forts.
« Je suis toujours outrée, explique Zoë Royaux, peut-être encore plus, par la loi française qui condamne les femmes qui se prostituent, laissant ainsi sous-entendre qu'elles ont librement décidé de se prostituer (tout en les condamnant) mais qu'elles n'auraient pas dû choisir cette profession..., alors que les clients sont libres comme l'air de consommer... Et puis ces expressions scandaleuses, "filles de joie" / " le plus vieux métier du monde"..., qui auraient pour objectif d'adoucir une réalité sordide ou d'apprivoiser la souffrance de ces victimes. C'est une façon de se rassurer et de se déculpabiliser (…) Préparer cette plaidoirie, lire tant de choses sur ce sujet tellement d'actualité, m'a encore plus sensibilisée et finalement écœurée. »
Même sentiment d’écœurement pour Romain Fonsegrives et sa coéquipière, Jenna Le Bras, lauréats du meilleur article. Plongés au cœur de la lutte contre la cyberprostitution pour les besoins de leur enquête, ils ont fait le constat de la relative « impuissance » des enquêteurs et des difficultés rencontrées pour endiguer le développement du phénomène et en ont tiré des conclusions désabusées : « Ce n’est pas la priorité, explique Romain Fonsegrives. Comme le procureur de la république de Lille nous l’a dit, on n’a jamais entendu un ministre de l’Intérieur affirmer que la lutte contre le proxénétisme pouvait être une de ses priorités ».
De la prise de conscience à l’engagement
« Sensibilisé par le sujet, j’ai eu envie de m’investir à mon niveau pour soutenir l’action menée », raconte Clément Bachelard. De fait, le plus frappant chez nos lauréats, c’est à la fois leur volonté d’agir pour changer les choses et leur envie de s’investir.
« Plaider pour défendre les personnes prostituées est un noble combat, dit Zoë Royaux. J'ai tout de suite eu envie d'y participer, ne serait-ce que le temps d'une plaidoirie. Le travail de la Fondation Scelles est fondamental. J'ai vraiment eu l'impression de me battre pour une cause, pour un dossier (selon le vocabulaire de notre profession), et pas simplement de participer à un concours. Les thèmes abordés étaient trop sérieux pour que cela soit envisagé comme un simple jeu. »
De même pour les membres de l’équipe vidéo, Clément Bachelard, Quentin Clément, Tony Gimazane et Victor Miellin qui souhaitent participer par leur action à une prise de conscience plus collective : « Nous espérons que notre clip et les différentes actions menées par les associations conduiront à ne plus se voiler la face sur un vrai problème de société qu'est la paupérisation des étudiants et le recours à la prostitution pour y faire face ».
D’une certaine manière, leur objectif a été atteint : la créativité et l’engagement des travaux proposés ont touché le grand public qui a voté sur internet et relayé l’information sur les réseaux sociaux. Plus de 4 600 votes en ligne ont été enregistrés et ce sont les travaux les plus difficiles d’accès (articles ou plaidoiries) qui ont suscité le plus d’intérêt. Le public comme les candidats ont su dépasser les clichés pour entendre et voir les réalités de la prostitution et de la traite des êtres humains. C’était bien là la mission assignée aux premiers Prix Fondation Scelles. Le défi de l’édition 2014 sera d’élargir encore ce succès.
Prix de la meilleure plaidoirie
Prix du jury et prix du public
Prix du meilleur article
Prix du jury et prix du public
Prix du meilleur slam
Prix du jury et prix du public
Prix de la meilleure vidéo
Prix du jury et prix du public
Prix de la meilleure photo et du meilleur visuel
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Prix du jury et du public pour la plaidoirie
Prix du jury et du public pour l'article
Prix du jury et du public pour le slam
Prix du jury et du public pour la vidéo
Prix du jury pour le visuel
Prix du public pour le visuel