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« En Bulgarie, il est très courant que les loverboys épousent leurs victimes »

Denitsa Boeva est expert national au sein de la Commission Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes, Conseil des ministres, Bulgarie

Comment pourriez-vous définir ce phénomène/méthode de recrutement selon les réalités bulgares et est-européennes ?

Le phénomène s'explique comme il s'entend. Le loverboy pourrait être le petit-copain de rêve pour la jeune fille. Il fait attention à elle, il lui achète des cadeaux. Le « couple » passe du bon temps ensemble : ils s'amusent, ils vont au restaurant, ils font la fête. Un peu après, le loverboy force la jeune fille à coucher avec d'autres hommes pour de l'argent. Souvent il utilise la violence ou d'autres moyens de contrainte pour s'assurer qu'elle sera soumise. Elle ne touche presque rien de l'argent qu'elle gagne. Le loverboy peut utiliser plusieurs moyens pour séduire sa victime avant de la forcer à se prostituer ou à commettre des infractions pour lui (vol, pickpocket, transport de drogue...).

En Bulgarie, il est très courant que les loverboys épousent leurs victimes. Cela assure la dépendance des victimes qui sont persuadées que les loverboys sont des époux qui prennent soin d'elles et les protègent. Logiquement, les valeurs familiales empêchent les victimes de dénoncer leur loverboy.

 

Qu'est-ce qui caractérise les victimes bulgares. Ont-elles un profil commun (âge, éducation, condition sociale) ?
Oui, absolument. Ce sont surtout les jeunes filles et les jeunes femmes qui sont la cible des loverboys. L'objectif est la création d'un lien émotionnel très fort et donc d'une dépendance. L'éducation, ainsi que le niveau social peuvent être très divers. Cette méthode est très efficace pour le recrutement de lycéennes des grandes villes qui sont plutôt informées sur les risques de la traite des personnes.

 

D'après votre expérience, s'agit-il de réseaux criminelles ou plutôt de proxénètes indépendants ?
Je ne crois pas que la méthode soit utilisée en priorité par des réseaux ou par des proxénètes indépendants. Dans les cas de mariage, il s'agit surtout de trafiquants individuels ou de petits groupes de 2-3 individus.

 

Existe-t-il une statistique officielle du nombre de victimes bulgares de cette forme d'exploitation sexuelle en Bulgarie ou à l'étranger ?
Malheureusement non.
 
Le phénomène loverboy est souvent comparé au syndrome de Stockholm. Croyez-vous que cette comparaison corresponde à la réalité ?
Un psychologue pourrait mieux répondre à cette question. A mon avis, il y a une relation entre les deux. Cependant, on ne peut pas dire que c'est exactement la même chose. Je crois que la méthode loverboy peut être la cause d'un tel syndrome chez la victime vis-à-vis de son agresseur. Cependant il y a d'autres répercussions sur les victimes de ce type d'exploitation.

 

La méthode loverboy suscite-t-elle la discussion dans la société bulgare ?
Je ne crois pas que le phénomène fait débat au sein de la société. Il est plutôt assimilé aux autres méthodes de recrutement des victimes à des fins d'exploitation sexuelle.

 

Le gouvernement a-t-il mis en place des mesures spécifiques contre ce phénomène ? Si oui, en quoi consistent-elles ? 
L'objectif de la Commission nationale de lutte contre la traite des personnes est de déterminer et diriger la mise en pratique de la politique et la stratégie nationale de la lutte contre la traite. La Commission nationale, organe du Conseil des ministres, coordonne les actions des différents acteurs institutionnels et non-gouvernementaux qui travaillent dans le domaine. Parmi ses prérogatives il y a également la prévention et la prise en charge des victimes. Au niveau local, la Commission a sept antennes (dans les communes de Burgas, Varna, Sliven, Parardjik, Montana, Plovdiv, Roussé).

La Commission mène des campagnes de prévention spécialisées (lutte contre la traite à des fins d'exploitation sexuelle, le trafic de bébés, l'exploitation par le travail etc.). Les campagnes utilisent différents moyens de communication : les médias écrits et audiovisuels ; le travail de terrain auprès des populations à risque ; les formations des professeurs d'écoles, des travailleurs sociaux, des policiers et des magistrats ; la sensibilisation dans les écoles. Dans toutes ces actions, la problématique du loverboy est évoquée d'une manière ou d'une autre.

 

Propos recueillis par IM

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