« Il faut signaler également les phénomènes de prostitution occasionnelle qui touchent des mineur(e)s se prostituant volontairement en échange de biens de consommation, d'argent ou de services. Cette pratique tend à se banaliser dangereusement et n'est pas quantifiable ».
Au-delà de ce constat, toutes les associations évoquent un développement conséquent de la pornographie impliquant des mineur(e)s. Des pratiques nouvelles apparaissent : « Aujourd'hui, ce qui inquiète majoritairement les acteurs du domaine, fait remarquer Laetitia Llaurens, c'est l'explosion du grooming (la sollicitation de mineur(e)s à des fins sexuelles par voie d'internet). On assiste également à l'apparition d'un nouveau phénomène : la mise en ligne et la diffusion d'images pornographiques par les adolescents eux-mêmes, par les jeunes filles ou par leurs petits copains. Ces jeunes n'ont pas conscience qu'il s'agit de pratiques pouvant être à l'origine d'un premier mode d'entrée dans la prostitution ».
De bonnes lois mais un manque de moyens et des difficultés d'application...
Tous les rapports le disent : la France montre une importante implication dans la lutte contre le commerce sexuel des enfants. « Les résultats enregistrés sont encourageants, note la Rapporteuse de l'ONU : arsenal juridique riche et harmonisé avec les principaux instruments internationaux et régionaux, dispositif de prévention et de protection décentralisé performant, avec de nombreux programmes d'assistance, d'accompagnement et d'accueil pour les enfants en difficulté... ».
« Les textes existent. Le problème, commente Laurence Alibert, réside dans leur application et dans la mise en œuvre concrète des moyens nécessaires ». Démanteler un réseau de prostitution de mineur(e)s nécessite une action à long terme et des moyens humains et financiers adéquats. Les ressources mises à la disposition des intervenants ne sont pas à la mesure des enjeux.
Par ailleurs, comme le souligne la Rapporteuse des Nations Unies, « la surenchère législative et la tendance répressive actuelles risquent de compromettre les acquis d'un cadre législatif solide ». « En effet, la prostitution des mineur(e)s, explique Laurence Alibert, serait, à 80 / 90%, le fait de mineur(e)s étrangers arrivés souvent de façon illégale en France par des réseaux de traite. Il est donc difficile de les faire témoigner dans une procédure judiciaire. Pourtant, les mineur(e)s étrangers sont considérés en droit français comme les mineur(e)s français. Mais la pratique applicable à la situation des sans papiers amène la justice à ne pas jouer son rôle de protection des enfants exploités. De plus, il s'agit souvent de mineur(e)s qui sont également délinquants et cherchent à échapper par tous les moyens à la police et la justice. Enfin, beaucoup de jeunes, qu'ils soient étrangers, plus ou moins clandestins, ou français vulnérables, craignent pour leur sécurité s'ils dénoncent le réseau criminel qui les exploite ».
Une coordination indispensable
« Au-delà de l'aspect réglementaire, ajoute Laetitia Llaurens, la protection des mineur(e)s et la prévention de leur victimisation sont prises en charge dans un cadre administratif assez complexe. L'Etat est en effet responsable de la définition des infractions en la matière et de la protection des mineur(e)s en danger qui est de la compétence des juges pour enfants. Les départements sont eux compétents pour tout ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance. Les actions des uns et des autres semblent parfois manquer de cohérence en l'absence d'un système centralisé de pilotage tant au niveau de la conception des actions que de l'évaluation de leur efficacité. C'est la raison pour laquelle il faudrait non seulement une coordination des intervenants au niveau national, mais aussi une coordination entre le niveau national et les niveaux départemental et régional »
« Enfin, ajoute Laurence Alibert, la coopération européenne et internationale est difficile à mettre en oeuvre car il convient de faire agir ensemble des institution administratives et judiciaires de pays très différents »
« Le flou des estimations n'incite-t-il pas les pouvoirs publics à minimiser cette problématique ? s'interroge la présidente de l'ACPE. La faiblesse des estimations peut amener à considérer que l'exploitation sexuelle et commerciale des mineur(e)s n'est qu'un fait marginal en France. Dans ce cas, pourquoi s'y intéresser ? »
CG