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Une proposition de loi sur la prostitution : ça bouge !!

 

 

Dans la foulée de l'adoption à l'unanimité d'une résolution, réaffirmant les principes abolitionnistes de la France le 6 décembre dernier, une proposition de loi a été déposée. Enfin !

Le rapport de la Mission parlementaire sur la prostitution, publié au printemps dernier, appelait à « l'exigence de responsabilité ». C'est cette même exigence qui a dicté la rédaction de cette proposition de loi qui vise à la fois « à responsabiliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite et du proxénétisme ».

Allant au-devant des accusations de moralisme et de pudibonderie que leur lanceront leurs détracteurs, les auteurs de la proposition, Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, rappellent quelques faits : la prostitution est « un système dans lequel les hommes (qui constituent 99% des clients) doivent avoir le droit de disposer quand ils le souhaitent du corps des femmes (qui forment plus de 85% des personnes prostituées) » ; « les personnes prostituées (sont)étrangères, à près de 90% pour ce qui est de la prostitution de rue, issues de pays où sévit la traite des êtres humains », « la prostitution (est) l'occasion de violences dont personne ne pourrait ressortir indemne »

 

Une étape fondamentale

La mesure phare de la proposition est la création d'un délit de recours à la prostitution, sanctionné par deux mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende. Le recours à la prostitution de mineurs ou de personnes vulnérables, déjà sanctionnés par la loi, constitueront des facteurs aggravants. Des stages de sensibilisation, inspirés des « stages de sensibilisation à la sécurité routière ou aux dangers de l'usage de produits stupéfiants » seront créés et pourront constituer une alternative aux poursuites.

L'entrée en vigueur du délit de recours à la prostitution sera précédée d'une période de six mois consacrée à « un travail de sensibilisation sans précédent auprès des clients » et à des campagnes de communication visant à « expliciter (...) les objectifs recherchés avec la création de cette infraction ».

D'autre part, la loi prévoit une amélioration de la protection des victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme. Parmi les mesures annoncées : l'accès à un titre de séjour est facilité pour les personnes étrangères victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme (en particulier pour les personnes « pour qui il existe des motifs raisonnables de croire qu'elles pourraient avoir été victimes de traite ou de proxénétisme »), l'octroi du RSA en faveur de certaines victimes de l'exploitation sexuelle, en remplacement de l'allocation temporaire d'attente ; la création d'un « droit à la réparation intégrale des dommages subis» pour l'ensemble des victimes de proxénétisme, sans qu'il soit nécessaire de produire la preuve d'une incapacité d'au moins un mois...

Par ailleurs, les associations « dont l'objet est la lutte contre ces infractions et l'action sociale en faveur des personnes prostituées » pourront désormais se porter partie civile.

Enfin, en ce qui concerne le délit de racolage, le texte s'en tient à une position pragmatique : un an après l'entrée en vigueur de la pénalisation des clients, une évaluation des effets de la loi sera réalisée, ce sera aussi l'occasion de « dresser un bilan de la mise en œuvre du délit de racolage ».

C'est une étape fondamentale qui vient d'être franchie. Après la résolution parlementaire qui réaffirmait clairement la position abolitionniste de la France, cette proposition, comme le rapport qui l'avait précédé, prend en compte le phénomène de la prostitution dans sa globalité : de la pénalisation du client à la protection des victimes. Certes, le texte est encore incomplet. Certains aspects exposés dans le rapport ont été laissés de côté : les mesures visant à développer les alternatives à la prostitution, présentes dans le rapport, sont limitées ; rien concernant la prostitution sur internet ; rien non plus sur les politiques de prévention et d'éducation... Mais tout porte à croire que cela viendra dans un second temps.

Quoiqu'il en soit, les choses bougent, et l'on ne peut que s'en réjouir Le combat risque pourtant d'être difficile. Au lendemain de l'adoption de la résolution parlementaire le 6 décembre par tous les groupes politiques et à l'unanimité, des députés, de toutes tendances, ont déjà fait entendre leur voix pour se désolidariser de leur parti et annoncer publiquement leur refus de voter une loi de pénalisation du client de la prostitution.

Par ailleurs, on peut penser que le calendrier parlementaire, très chargé, ne permettra pas d'inscrire cette proposition à l'ordre du jour avant les prochaines échéances électorales. Néanmoins, le débat est ouvert et aura sa place dans la prochaine législature. Il revient maintenant aux associations de porter ce texte et d'assurer la sensibilisation nécessaire pour faire passer ces messages...


CG

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