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L'addict sexuel : coupable ou victime ?

 

Shame. Les périgrinations de Brandon, prisonnier de son addiction, fermé au monde, à côté de la vie. Rapports humains quasi inexistants. Tout ce qui vient perturber son addiction est dérangeant. Comme un corps étranger dans ses pratiques quotidiennes. Une vie faite de sites pornos, de rendez-vous avec des personnes prostituées ou de « conquêtes » purement sexuelles. Mécanique répétitive, sans émotion.

 
Au travail ou chez lui, il reste prisonnier de son addiction et de ses fantasmes. Malgré une tentative d'ouverture vite avortée, il lui faudra un choc émotionnel très fort pour prendre conscience de son enfermement et de sa solitude destructrice. Si le film ne donne pas vraiment de réponses, il a au moins le mérite d'être le premier à exposer le sujet aussi radicalement. L'addict sexuel, nouveau mâle du siècle ?

Brandon souffre. Il souffre de ses rapports à l'autre où la sexualité s'engouffre sans aucune dimension humaine. Tout est objet, sans émotion, froid. Les corps, des décors. Le sexe, un rituel. Seul où à plusieurs. Femme, homme, ordinateur. Chez soi, au bureau, dans la rue, dans la cuisine, dans la chambre, dans les toilettes... Réel, virtuel, fantasmé, on ne sait plus trop. Brandon ne fait pas d'efforts pour changer cette situation. Ses jours passent, identiques. Pas d'engagements, pas de risques. Sans doute pourrait-on le qualifier de « dépendant sexuel indépendant ». Parce qu'en effet, son principal défaut est de ne pas prendre en compte la souffrance des autres. Jamais il ne se pose la question de ce que l'autre, en question, peut ressentir. Il n'obéit qu'à son appétit sans freins qui le conduit là où le sexe est disponible. Jouir, à n'importe quel prix.

Ainsi le sexualité pourrait donc se vivre de manière égoïste, sans tenir compte de l'autre ? Sans violence ? Sans conséquences ? Cela nous semble peu probable. Cela ne fonctionne pas pour Brandon.

Evidemment, on a beaucoup parlé, écrit, débattu de l'addiction sexuelle ces derniers mois. En France, quelques cabinets médicaux spécialisés reçoivent « des patients ». Des hommes, à 95%. Après des siècles de comportements sexuels dopés à la domination masculine, nous restons toujours engoncés dans cette illusion de liberté et de mise à disposition du corps de l'autre. Des stéréotypes, savamment entretenus, consciemment ou pas. Si le personnage central semble assumer cet état de fait, de quelle liberté sexuelle parle-t-on au juste lorsqu'un seul désir est pris en compte. Le désir de l'un et le « consentement par l'argent » de l'autre, lorsqu'il s'agit de prostitution, font-ils une émotion sincère ? Non, bien entendu. A moins de considérer que la prostitution est une forme de sexualité. Mais puisqu'elle est d'abord une forme de violence, puisqu'elle s'accompagne chaque fois de « dommages collatéraux » qu'on continue de vouloir ignorer, pourquoi ne pas envisager de réapprendre.

Oui, réapprendre. Ce n'est pas au dessus de nos forces. Ce n'est pas non plus utopique. Telle est bien la démarche des médecins qui reçoivent des addicts sexuels. Pour Marc Valleur, psychiatre, « les « patients » doivent réapprendre à voir l'autre comme une personne et non comme un objet ». La sexualité, c'est aussi l'effort d'aller vers l'autre. Ça ne s'achète pas. Pas de raccourcis. Lors de la Convention Abolitionniste du 29 novembre, un collectif d'associations a choisi de lancer un appel et de faire sept demandes. L'une d'elle est d'obtenir « une politique ambitieuse et respectueuse de l'autre et à l'égalité entre les femmes et les hommes. ». Cette demande n'est pas la moins importante.

Dans le cas de Brandon, la prise de conscience viendra de l'extérieur. Sa sœur. Une intruse d'abord, qui, par sa seule présence, perturbe des habitudes bien réglées. Puis une chanson, une voix, une émotion, un appel à l'aide... un suicide. Espérons qu'il n'en faudra pas tant pour que nous réagissions. Victime ou coupable ? Un peu des deux sans doute. Il n'est pas question pour nous de porter un jugement. Dire pour aider à réapprendre, c'est aussi ce que nous faisons tous les jours à la Fondation. Il n'y a rien qui ne soit inéluctable. Juste quelques efforts à faire.

Film - SHAME - 1h39 - fiche allociné

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