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Iana Matei, une vie consacrée aux victimes d'exploitation sexuelle

Alors que l'Europe vient de célébrer la 4e journée de lutte contre la traite des êtres humains, le livre de Iana Matei raconte son combat quotidien pour sauver des jeunes filles victimes d'esclavage sexuel.

C'est en mars 1999, dans une petite ville de Roumanie, que Iana Matei, psychologue, intervenante auprès des enfants des rues, a découvert une réalité jusque là inimaginable. Appelée en urgence par le commissariat pour secourir « trois poules qui viennent de déposer plainte contre leur mac », elle se trouvait face à trois gamines de 14 à 16 ans qui «racontaient sur le ton de l'évidence qu'elles avaient été vendues. Vendues ! Comme du bétail ! »

C'est pour ces jeunes filles qu'elle crée Reaching Out, un foyer d'accueil (le premier et, pendant longtemps, le seul foyer de ce genre en Roumanie). Là, pendant des mois, elle aide des victimes de traite à se reconstruire, leur donne protection, affection, éducation. « L'objectif, c'est d'apprendre à ces filles à continuer de vivre sans nous et de les préparer à affronter le monde extérieur ».

En onze ans, Iana Matei a accueilli près de 400 filles mineures ou jeunes majeures, extirpées des réseaux mafieux roumains. Souvent au péril de sa vie, même si elle reste assez discrète sur les menaces et les manœuvres d'intimidation des proxénètes qu'elle a affrontées....

 

Un cri de colère

Onze ans plus tard, Iana Matei conserve la même indignation qu'en ce soir de 1999. : « Nous vivons dans des sociétés prétendument modernes où l'on vend des enfants ! ». Chaque année, des milliers de filles venues de Roumanie sont déversées sur les trottoirs des pays occidentaux, « des filles achetées et revendues, des filles déracinées, torturées, psychologiquement brisées, frappées, violées, puis asservies sexuellement ». 

Depuis 1999, rien n'a changé, au contraire. L'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen a facilité ce commerce qui touche des filles de plus en plus jeunes : « quand j'ai ouvert mon refuge, constate Iana Matei, 20% étaient mineures, 80% avaient plus de 18 ans. Aujourd'hui, c'est la proportion inverse. Dans les rues, on voit des filles de 12 ans arriver sur le trottoir »

 

« Cela se passe sous vos yeux... »

Qui est responsable ? Iana Matei n'a pas peur de mettre en cause la mauvaise volonté du gouvernement roumain, la bureaucratie roumaine engluée dans la corruption et les préjugés, la passivité des institutions européennes, les médias en quête de sensationnel et de larmoyant, la scandaleuse clémence des juges à l'égard des proxénètes (« L'impunité de ces ordures me révolte »)...

Mais c'est à nous, pays occidentaux, que ce livre s'adresse : « Notre problème, c'est aussi le vôtre. Les trafiquants roumains recrutent chez nous, mais c'est chez vous qu'ils exportent leur malheureuse marchandise, ce sont vos ressortissants qui alimentent ce trafic, qui couchent avec elles pour le dire clairement. » 

Et c'est nous que Iana Matei interpelle en premier lieu, nous, lecteur de France, d'Espagne ou d'Angleterre qui acceptons dans l'indifférence l'existence de ce commerce : « Cela se passe sous vos yeux, dans vos rues, vos bars, vos parkings, le long de vos autoroutes, sans que cela empêche personne de dormir ! (...) Voir des gamines à moitié nues déambuler au milieu des passants ne dérange personne apparemment ».

L'appel de Iana Matei est désespéré : « Toutes ces filles qui ont connu l'enfer, je leur consacre aujourd'hui ma vie. Je ne peux pas toutes les sauver, mais quand on m'appelle à l'aide, je fonce. (...) Si je ne les aide pas, qui le fera ? ». Nous devons l'entendre.

Iana Matei, A vendre Mariana, 15 ans, Oh! Editions, 272 p., 18,90 euros.

 

 

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