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Les « fières » et toutes les autres...

Si le but affirmé de l'auteur est de « révéler la réalité prostitutionnelle face aux mensonges récurrents », je me dis qu'il y a de quoi se réjouir et j'attaque donc la lecture pied au plancher.

 

Avant de commencer le livre, je repense à Ulla, étendard de la prostitution libre et revendiquée dans les années 70-80, qui aujourd'hui vient nous répéter non sans amertume : « mais comment avez-vous pu me croire ? »

Pour Jean-Michel Carré, les « travailleuses » du sexe, chiffres à l'appui, seraient donc, au moins pour la moitié d'entre elles, libres et volontaires. Si tel est le cas, où sont donc passées les autres ? Auraient-elles peur de quelque chose, de quelqu'un ? S'il y a bien un point sur lequel nous nous rejoignons, c'est la volonté d'en savoir plus sur les réalités statistiques de la prostitution en France. Nous aussi nous souhaitons une enquête ouverte, indépendante pour identifier l'ampleur de ce phénomène.

On passera sur la comparaison initiale de l'asservissement dans la prostitution avec celui du pigiste qui erre dans les couloirs d'un grand quotidien en espérant être publié pour aller directement à l'essentiel : des témoignages censés apporter de l'eau au moulin de la légalisation mais qui finalement, lorsqu'on lit attentivement, laissent transparaître un malaise quasi palpable.

« Je n'avais d'autres solutions que de retourner au tapin », « (...) retombée dans la came pour oublier les difficultés du métier ».

Pas besoin de faire un dessin...

Il y aussi le témoignage de Lisa, qui « dirige » le Vénusia, en Suisse. Forcément, elle ne va pas dire du mal de son « activité ». Et pourtant...Si elle admet facilement que « l'argent est dur à gagner, à la fois physiquement et psychologiquement », elle souligne, maladroitement sans doute, le fait que « les filles qui font ça savent déjà qu'elles ne tiendront pas 5 ans ». Comme le pigiste ? Et pour clore le tableau, elle avoue que c'est son mari qui tient la comptabilité de l'établissement. Elle termine : « Une fois que les filles reprendront leur vie courante, elles pourront avoir une activité disons -classique- ». Que dire de plus ?


Le vrai visage de la prostitution

Chaque témoignage est ainsi sa propre caricature au service de l'idée que l'on cherche à nous vendre : légaliser l'industrie du sexe car celle-ci est « présentable »... Mais dans son monde de « traditionnelles », Jean-Michel Carré ne donne guère la parole aux victimes de traite des êtres humains. Où sont donc passées les Chinoises de Belleville, les Africaines des boulevards extérieurs, les « filles de l'Est ». Pour elles, pas un mot. Comme d'habitude. On n'apprend donc rien de nouveau.

La plupart des travailleurs sociaux soulignent que, dans les discours entendus et les parcours de vie, il faut attendre des années avant d'avoir le bon récit. Dès lors, on peut s'interroger sur ce que l'on entend ici par « témoignages ». On peut s'interroger aussi sur ce que les personnes citées dans ce livre deviendront avec les années. Et dire que pourtant nous aussi, nous les aimons...

F.B

Jean Michel Carré, avec la collaboration de Patricia Agostini,  Travailleu(r)ses du sexe et fières de l'être, Editions du Seuil, Paris, 2010, 18 €

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