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La lutte de la France contre la traite des êtres humains sur la sellette !

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) fait paraître une étude fouillée sur « La Traite et l'exploitation des êtres humains en France ».

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) est une institution de promotion et de protection des droits de l'homme. Indépendante, elle joue un rôle de proposition dans ce domaine auprès du gouvernement. C'est dire l'importance de l'étude consacrée à « La Traite et l'exploitation des êtres humains en France » qui vient d'être publiée sous son patronage. Cet ouvrage, très développé, a été rédigé par la juriste Johanne Vernier, assistée d'un comité d'associations membres de la CNCDH (Amnesty International, Ligue des Droits de l'Homme, Secours catholique, le Comité Contre l'Esclavage Moderne...).


Une évaluation de la politique française

L'objet de ce travail n'est pas de dresser un état des lieux du phénomène de la traite des êtres humains. Il s'agit plutôt, à partir d'un constat global d'impuissance de la lutte contre la traite, sous toutes ses formes, menée par la France, de proposer une évaluation des textes en vigueur et d'avancer des recommandations pour améliorer la politique française en ce domaine. 

Le constat est sévère. Pour Johanne Vernier, la principale faille du dispositif français réside dans l'absence « d'une définition claire et précise de l'exploitation en droit français et d'incriminations spécifiques s'y appliquant ». Ce qui, rappelons-le, n'est pas le cas du proxénétisme, ni de l'achat de relations sexuelles auprès de personnes mineures ou vulnérables, incriminés en droit français.

Selon l'auteur, « en droit français, la traite est incriminée tandis que l'exploitation ne l'est qu'au travers de ses symptômes, comme le travail indigne, les violences ou les agressions sexuelles ». Ce qui, ajoute-t-elle, « induit un vide symbolique : la gravité des faits commis n'est pas reconnue, les victimes ne sont pas identifiées comme telles et ne peuvent pas bénéficier des mesures leur étant pourtant destinées ». 


Une étude d'une ampleur exceptionnelle

Avant de parvenir à cette conclusion, l'auteur propose un large tour d'horizon juridique. Deux chapitres sont consacrés à une mise au point précise et fouillée des définitions de la traite et de l'exploitation aux niveaux international et national. Suit un exposé sur les difficultés de détection, d'identification et de répression des faits de traite. Puis l'auteur aborde les obstacles juridiques et pratiques rencontrés par les victimes de traite ou d'exploitation : accès effectif à la justice, rétablissement effectif de la victime dans ses droits économiques et sociaux... Et sur chaque point, sont présentées les modifications qu'il faudrait apporter au droit en vigueur pour pallier ces lacunes.

94 recommandations « pour une meilleure prévention de la traite et de l'exploitation » viennent enfin résumer l'ensemble des propositions faites au cours de l'étude. Une partie de ces recommandations avait déjà été présentée par la CNCDH en décembre 2009. Elles sont ici longuement développées et commentées par Johanne Vernier. 

Certains points sont contestables. Ainsi l'approche proposée de la prévention de l'exploitation sexuelle par l'allègement des lois sur le proxénétisme et la création d'une distinction entre une prostitution « licite » « consentie », et une prostitution « illicite », « non consentie ». Ce qui n'aurait pour résultat que de renforcer et développer tant la traite des êtres humains que le proxénétisme, comme on peut l'observer dans des pays comme les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suisse...

Quelles que soient les critiques, ce travail représente une somme incontestable et un précieux état des lieux. Alors que 2011 s'annonce année charnière dans la lutte contre la traite en France (on attend la visite d'évaluation de la mise en œuvre par la France de la Convention de Varsovie par le Groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) / un Plan d'action national proposé par un groupe de travail interministériel est en cours d'examen), le rapport réalisé pour la CNCDH devrait enrichir le débat.

CG

La Traite et l'exploitation des êtres humains en France, Etude réalisée par Johanne Vernier, pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme, La Documentation française, 2010, 18 €.

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